Bonjour Oriane,
Je voulais te dire que j'ai beaucoup souffert de la même maladie que toi, et pendant très longtemps.
C'est une maladie d'amour pour un pays et son peuple.
Mais je voulais te dire aussi que j'avais beaucoup souffert de la même maladie en mode inversé quand j'habitais à Sydney, puis dans le reste de l'Australie ou en Nouvelle-Zélande. La France me manquait très souvent, ainsi que mes petites campagnes des Deux-Sèvres, les discussions du matin avec les boulangères des coins que je visitais souvent dans le Berry et dans la Creuse, les promenades aux Jardins du Luxembourg à Paris et les grandes expositions nationales au Grand Palais avant qu'il ne soit restauré, les bons pains de campagne de nos Charentes, les foies gras d'enfer de temps en temps dans le Sud-Ouest, les sapins de Noël devant les grands magasins du boulevard Haussmann, des rues du Marais et de Saint-Jacques, ou les guirlandes étincelantes des cafés souriants près de l'Opéra de Paris et de Saint-Germain des Prés, la montagne et la neige où les enfants s'amusent, l'accent des gens du midi, les senteurs de l'Estérel, la beauté verdoyante de notre Normandie, l'humour des gens du Nord, et surtout les bons petits marchés de nos campagnes françaises où l'on parle de tout, et avec tout le monde, en attendant l'heure de l'apéritif, et tant d'autres choses...
Et le pire, c'est qu'à chaque fois que je revenais en France voir la famille et les amis avec ma compagne australienne de l'époque, je recommençais à nouveau au bout de quelques jours à repenser au jour où nous allions repartir vers l'Australie, nous arrêter en Asie, faire des petites visites locales, remettre nos lunettes de soleil tous les jours, nous promener dans les grands parcs de Sydney ou ailleurs, et recommencer à voir les films français sous-titrés le vendredi soir sur SBS en se demandant pourquoi le cinéma français était si bon...
Oui, c'est une maladie qui ne s'estompe jamais. On ne peut pas oublier le pays de France où l'on est né, le pays où l'on a chéri ses grands-parents, le pays où l'on est allé à l'école, le pays où l'on a lu ses premiers livres...
Et on ne peut pas oublier non plus les pays comme l'Australie dont on est tombé amoureux pour toujours, où l'on a appris autre chose, où l'on a vécu d'autres histoires d'amitié ou d'amour avec d'autres gens si différents, où l'on s'est surpris à s'adapter à une autre civilisation, et surtout, à de belles natures et à de merveilleux paysages comme ceux et celles de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Pacifique ou de l'Asie du Sud.
Il ne faut surtout pas chercher à guérir de cette maladie. Il faut la laisser faire son chemin toute seule, essayer de faire bon ménage avec elle, sans la laisser trop vous heurter. Car elle vous rattrape toujours, où que vous alliez, où que vous dormiez, où que vous aimiez.
C'est comme ça : elle est intime, elle évolue et elle se régénère.
Plus l'on voyage ou l'on vieillit, plus elle prend de place en nous.
Et elle en devient si forte qu'elle en est incurable.
Amitiés
Marc
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