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Situation carcérale des aborigènes : la série noire continueCANBERRA, 4 juin (Flash d'Océanie) – Les déséquilibres entre la communauté aborigènes d'Australie et le reste de la population de ce pays ont été une nouvelle fois soulignés en fin de semaine dernière par une nouvelle étude, qui cette fois-ci met l'accent sur la population carcérale.
Selon un nouveau rapport publié par la Commission de la Productivité, organe gouvernemental consultatif, la propension, pour cette frange de la population (qui représentent environ quatre cent mille des vingt millions d’Australiens), à être incarcérée, est treize fois supérieure à celle d'un non-Aborigène australien, rapporte vendredi la radio nationale.
Ce rapport s'est attaché à identifier et à mesurer une série d'indicateurs facteurs de "désavantages sociaux".
Au chapitre judiciaire, les statistiques montrent une probabilité treize fois supérieurs à une incarcération pour les aborigènes, avec un taux de progression qui a marqué une importante augmentation (+32 pour cent) pour les six dernières années.
Parmi les facteurs contribuant à ces chiffres, selon cette étude : des environnements familiaux dans lesquels les enfants sont quatre fois plus maltraités que dans des foyers non-aborigènes.
Selon les dernières statistiques publies fin mai par le bureau fédéral de la statistique, l'espérance de vie au sein de cette communauté est inférieure de 17 ans par rapport à celle du reste de la population et l'âge moyen, dans le groupe "Aborigènes et insulaires du Détroit de Torrès (communautés vivant dans l'extrême Nord-Est du pays, proche de la Papouasie-Nouvelle-Guinée), a été placé à 21 ans (contre 37 ans pour le reste de la population).
Ces communautés, selon les mêmes sources, sont particulièrement touchées par des maladies liées au style de vie (diabète, maladies cardio-vasculaires, obésité, tabagie).
Apprentissage obligatoire de l'anglais pour les aborigènes ?
Côté gouvernement, Mal Brough, ministre australien des affaires indigènes, a estimé fin mai que les enfants de la communauté aborigène de ce pays devraient obligatoirement apprendre l'anglais, pour pouvoir trouver ultérieurement un emploi dans la vie active.
S'exprimant sur les ondes de la radio nationale, M. Brough a déclaré en substance que l'apprentissage de l'anglais était une condition indispensable non seulement pour suivre un cursus scolaire normal, mais aussi pour pouvoir prétendre à un emploi.
"Trop nombreux sont encore les enfants (aborigènes) qui n'ont qu'une connaissance rudimentaire de la langue qui est parlée dans tout notre pays (l'anglais) et ne peuvent encore parler que leurs propres langages, ce qui leur permet de se faire comprendre de 200, 300 ou 400 autres personnes. C'est cela qui doit cesser (…) Je ne demande pas aux enfants aborigènes de renoncer à leurs propres langues, je leur demande juste d'apprendre l'Anglais", a-t-il déclaré.
Nouvelles données statistiques sur les femmes aborigènes
Le ministre a par ailleurs déclaré qu'il envisageait actuellement de mettre en place un système qui suspendrait les allocations versées aux familles d'enfants déscolarisés.
Ces dernières semaines, à la suite de la publication d'une dernière enquête révélant qu'en matière d'espérance de vie, les femmes de la communauté aborigène avaient une espérance de vie inférieure de 17 ans à la moyenne nationale, la polémique a refait surface concernant la condition de ce peuple indigène.
Nicola Roxon, porte-parole de l'opposition travailliste pour les questions de santé, se basait sur ce rapport pour fustiger le gouvernement conservateur du Premier ministre John Howard et l'appeler à se "mettre au travail" sur cette question.
"Même si nous sommes un pays au premier plan sur l'échelle mondiale, nous avons une bonne partie de notre population qui vit dans des conditions du tiers-monde", a-t-elle lancé mardi en appelant aussi le gouvernement à engager les moyens financiers nécessaires au redressement de cette situation.
Les conditions de vie des aborigènes figuraient aussi dans le rapport annuel rendu public il y a deux semaines par Amnesty International, concernant l'Australie et que le Premier ministre John Howard a depuis vivement contesté et rejeté, parlant de "caricature" et de données "sorties de leur contexte".
Selon un récent rapport du bureau australien de la statistique (ABS), à la source de la polémique et qui dénonce aussi les violences faites aux femmes aborigènes, au moins 500 millions de dollars australiens (300 millions d'euros) seraient nécessaires.
John Howard vivement pris Ă parti
Dimanche 27 mai, à l'occasion d'une cérémonie commémorant le quarantième anniversaire de la première inclusion de cette communauté indigène dans le recensement national, John Howard, Premier ministre australien, a été vivement pris à parti par une femme aborigène qui, devant la presse locale, l'a accusé d'avoir "génocidé" cette communauté.
M. Howard a préféré ne pas répondre.
Il y a quarante ans, c'est par référendum que les Australiens ont entériné (à plus de 90 pour cent) ce changement, alors que jusque là , les chiffres nationaux ne faisaient pas état des statistiques concernant cette population.
Lors de ces cérémonies du 27 mai, le travailliste Kevin Rudd, chef de l'opposition parlementaire, a pour sa part lui aussi provoqué des applaudissements en promettant, si son parti accédait au pouvoir à l'issue des prochaines législatives (au cours du dernier trimestre 2007), d'engager un véritable processus de demande d'excuses aux Aborigènes pour les "crimes" commis depuis l'arrivée des Européens.
"RĂ©conciliation symbolique et pragmatique"
John Howard, dans son discours, a voulu souligner la nécessité d'une "culture de responsabilité partagée" afin de réaliser un objectif commun mais que ces quarante dernières années, encore trop d'espoirs de ceux qui ont milité, en 1967, dans le cadre de ce référendum, n'avaient toujours pas été réalisés.
"Si la réconciliation doit être réalisée, nous devons nous attaquer à cette question de manière à la fois symbolique et pragmatique", a-t-il déclaré.
Prenant à son tour la parole, Mal Brough, ministre des affaires indigènes, a pour sa part reconnu que les conditions de vie des communautés aborigènes, en particulier dans les régions les plus isolées d'Australie, avaient empiré ces quarante dernières années, en dépit des avancées pour l'ensemble des populations.
Toujours à l'occasion de ce quarantième anniversaire, la commission australienne pour les droits humains et l'égalité des chances rappelait pour sa part qu'un "plan national d'action" a été élaboré.
Tom Calma, Commissaire pour la justice sociale pour les Aborigènes et les insulaires du Détroit de Torrès au sein de cette commission, a par ailleurs estimé que quarante ans après, les Aborigènes australiens "attendent toujours d'être considérés comme égaux".
"Ces quarante dernières années, nous avons vu des enfants aborigènes mourir à un rythme beaucoup plus élevé que les non-Aborigènes et le peuple aborigène recevoir guère plus qu'une éducation primaire de base. Nous avons vu des régimes alimentaires à base de farine et de sucre, des systèmes d'adduction d'eau pollués et des maladies entièrement curables toujours rampantes dans les communautés aborigènes", souligne notamment M. Calma.
Source :
http://newspad-pacific.info