Completely agree with you! Surtout que le prétexte (colonialisme) est totalement fallacieux et que rien ne peut excuser ces agissements, quels que soient l'origine et le contexte, socio-économique dans ce cas, du conflit et des belligérants.
Agnès, ton intervention n'a rien de raciste ou de condescendant, elle est simplement non politiquement correcte
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Courrier de l'Unesco 2001
Une terre empoisonnée par la xénophobie
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Theophile Kouamouo, journaliste indépendant franco-camerounais.
La Côte-d’Ivoire, hier florissante, a accueilli jusqu’à 30% d’étrangers. A l’heure de la récession, beaucoup d’Ivoiriens veulent se replier sur des parcelles… que ces étrangers ont souvent mises en valeur.
«Désormais, je me méfie même de mes amis d’enfance, de mes anciens partenaires de football», déplore Mamadou Ouedraogo. Agé de 37 ans, il a passé toute sa vie à Asse, un petit village au milieu de terres fertiles, à l’est de la Côte-d’Ivoire. Mais ses parents venaient du Burkina Faso voisin.
Ici, tout a commencé, au début de l’année 2001, par une altercation entre un jeune Ivoirien et un gardien de nuit burkinabé, au marché de Bonoua, la principale ville du département. Une rumeur s’est aussitôt propagée: «l’étranger» aurait tué «le fils du pays», c’est-à -dire un membre de l’ethnie locale — les Abourés —, sous-ensemble du grand groupe Akan qui vit en Côte-d’Ivoire et au Ghana. Saisis d’une violente fièvre xénophobe, les «autochtones» ont détruit les biens de ceux qu’ils appellent les «allogènes».
«Ils ont attaqué le quartier burkinabé, détruit et brûlé nos boutiques, défoncé nos barriques d’huile», raconte Ousmane Sawadogo, le vieux chef de l’importante communauté burkinabée de la région.
Traumatisés, plusieurs centaines d’étrangers — principalement des Burkinabés et des Maliens — ont cherché refuge dans leur pays d’origine ou dans d’autres régions ivoiriennes plus hospitalières. Le roi de Bonoua a enjoint les immigrés d’«abandonner la culture de l’ananas», principale ressource du département. «Plusieurs jeunes Abourés ont fait le tour des plantations et ont vérifié si les étrangers qui n’étaient pas partis poursuivaient ces cultures. Si tel était le cas, ils plantaient des piquets sur lesquels ils accrochaient des morceaux de tissu rouge. Puis, ils revenaient saccager les champs», raconte Boukari Sawadogo, le fils d’Ousmane.
L’administration française encourageait l’arrivée de migrants
Bonoua n’est pas un cas isolé. Les conflits fonciers opposaient, dans le passé, autochtones et Ivoiriens venus d’autres régions. Aujourd’hui, ce sont les conflits entre nationaux et étrangers qui sont la cause la plus fréquente des violents affrontements. Fin 1999, plus de 20 000 Burkinabés ont quitté, par cars entiers, la région de Tabou, dans le sud-ouest du pays, à la suite d’un contentieux entre un immigré et un paysan de la région, concernant le titre de propriété d’une terre, qui a dégénéré en un affrontement meurtrier.
A Blolequin, dans l’extrême ouest, les mêmes causes ont produit les mêmes effets: six personnes, dont un gendarme, sont mortes lors d’incidents au début de l’année 2001. L’administration a toutefois maintenu les étrangers sur place, contre l’avis des élus locaux et malgré les protestations de la population.
Comment expliquer cette poussée de xénophobie au «pays de l’hospitalité», selon les paroles de l’hymne national? Jusqu’à la fin de la période coloniale, en 1960, l’administration française encourageait l’arrivée de migrants en provenance du Sahel pour développer l’agriculture.
Sous le long régime de Félix Houphouët-Boigny, le «père de la nation» ivoirienne, le mouvement s’est poursuivi. «La terre appartient à celui qui la met en valeur», proclamait le «président-planteur», venu à la politique par le syndicalisme agricole. «Il n’aurait jamais été possible de faire de la Côte-d’Ivoire le premier producteur de cacao au monde avec la seule main d’œuvre ivoirienne», souligne Jean-Paul Chausse, un expert de la Banque mondiale.
Aujourd’hui, les étrangers représenteraient 26 % de la population du pays, selon les chiffres officiels, plus de 35 %, selon d’autres estimations. C’est l’un des taux les plus élevés au monde. Pendant la période de prospérité qui s’est achevée, pour ce fidèle allié du bloc occidental, avec la fin de la Guerre froide, la cohabitation a été plutôt paisible. Elle s’est dégradée avec la récession. La réussite des nouveaux arrivés irrite les «maîtres de la terre».
«Ils disent que nous sommes devenus riches, que nous avons de grosses voitures et que nous ne les respectons plus. Ils disent qu’ils ne veulent plus nous voir avec leurs filles: si un étranger est surpris avec une Abourée, il doit payer une amende de 150 000 FCFA (1 500 F)», explique Boukari Sawadogo. «Avant, les Burkinabés ne revendiquaient rien, ils acceptaient de travailler pour nous», bougonne Niamkey Eloi, planteur ivoirien vivant à Asse.
Saturation foncière
Avec la crise économique et la rigueur imposée par les institutions financières internationales, bon nombre d’Ivoiriens ne trouvent plus de travail en ville, dans l’administration ou dans le secteur privé. Ils se replient vers la terre. «On observe alors un fait nouveau, dû à la saturation foncière: c’est la concurrence pour l’accession à la terre. Aujourd’hui, beaucoup de pères ne lèguent qu’un ou deux hectares à leurs enfants, parce qu’ils ont déjà vendu la plus grande partie de leur patrimoine», explique Jean-Paul Chausse. L’extension des villes et la déforestation amplifient le phénomène.
A Bonoua, en pays Akan, la règle du matriarcat complique la situation. «Des jeunes gens déscolarisés, qui reviennent au village, découvrent que les terres de leurs parents sont entre les mains de leurs oncles maternels, qui en sont les héritiers selon le droit coutumier. Ils ne l’acceptent pas, mais ne peuvent se retourner contre leurs oncles. Ils reportent alors leur agressivité contre les étrangers à qui les terres ont été louées», analyse la sous-préfète, Julie Aka Sonoh.
C’est dans ce contexte social explosif, que le successeur de Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, renversé à la fin de 1999 par un coup d’Etat militaire, lance le concept d’«ivoirité».Volonté de créer une identité commune à la soixantaine d’ethnies du pays pour les uns, repli nationaliste pour les autres, l’«ivoirité» a aussi une fonction politique immédiate: elle doit servir à écarter de la compétition électorale le rival le plus sérieux, ancien protégé, lui aussi, du «père de la nation»: Alassane Ouattara. Economiste et ex-premier ministre, il est né en Côte-d’Ivoire, mais a étudié au Burkina Faso voisin et a travaillé pour le compte de ce pays.
A Abidjan, le débat politique se focalise sur la question des étrangers. Accusés d’être la cinquième colonne du Rassemblement des républicains (RDR), le parti d’Alassane Ouattara, ils servent de boucs émissaires lors de la tumultueuse campagne électorale qui suit le renversement du général Gueï, en octobre 2000.
Dans les campagnes, la question foncière reste explosive. Elu président, Laurent Gbagbo, le leader du Front populaire ivoirien (FPI, social-démocrate), veut désamorcer cette bombe. Pour y parvenir, il fait appliquer le code foncier rural déjà voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 1998. Selon ses dispositions, les nationaux sont propriétaires des terres, les étrangers peuvent cependant les exploiter.
La loi s’inspire largement des différents droits coutumiers selon lesquels, le plus souvent, comme l’explique Jean-Paul Chausse, «la terre appartient aux ancêtres. On peut donc vendre le droit d’accès, mais pas le sol. Dans le Sud-Ouest, par exemple, l’accès au foncier est plus facile. Les étrangers ont pu négocier quelque chose qui s’approche de la propriété privée».
Désormais, les étrangers ayant acquis des terres en bénéficient jusqu’à leur décès; par la suite, leurs enfants peuvent les exploiter en payant un loyer à l’Etat. Le président burkinabé, Blaise Compaoré, s’est récemment inquiété de cette loi, qui pourrait déposséder ses compatriotes des terres qu’ils ont mises en valeur. «Cette législation a de bons côtés et d’autres dangereux. Elle a pour ambition de clarifier les choses et de provoquer des arbitrages. Appliquée vertueusement, elle peut régler bien des problèmes. Si elle est dévoyée, elle peut envenimer les tensions», précise Jean-Paul Chausse.
Courrier de l'Unesco, même année
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Driss El Yazami*:
En Afrique noire, les pouvoirs manipulent l’«ethnicisme»
Au début des années 70, le nombre de réfugiés en Afrique noire avoisine les 700 000 personnes. Vingt ans plus tard, il dépasse les six millions1. Près d’un réfugié sur trois dans le monde est aujourd’hui africain. Et pour avoir une idée de l’ampleur des déplacements forcés et de la déstabilisation des populations, qui ont frappé l’Afrique durant ces dernières décennies plus que toute autre région du monde, il faut y ajouter les déplacés internes (autour de sept millions) et les flux, traditionnels ou nouveaux, d’immigration économique, que l’on a peine à cerner.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer les crises xénophobes qui ont touché plus d’un pays d’Afrique noire (voir encadré ci-dessus). Plus que les sécheresses périodiques, qui jettent sur les routes de l’exil des centaines de milliers de personnes, ce sont donc les évolutions géopolitiques internes aux Etats et entre les Etats, qui sont à l’origine de ces transferts de populations et des violations des droits de l’homme auxquels ils donnent lieu.
Bien évidemment, l’arrivée massive et brusque de centaines de milliers d’étrangers dans un pays africain voisin, qui nourrit difficilement sa population, peut être source de tensions et de rejet. Pourtant, ce qui frappe, c’est la générosité de fait des pays africains de premier asile. Ainsi, dans les années 1990, la Guinée et la Côte-d’Ivoire ont reçu, ensemble, plus d’un million de personnes chassées par les conflits internes du Libéria et de la Sierra Leone. Dix ans plus tard, la majorité d’entre elles n’a toujours pas pu regagner son pays d’origine ni trouver une terre d’asile définitive.
Ces deux conflits sont, dans une grande mesure, emblématiques. On y trouve, comme souvent, une «facette ethnique», mais aussi la volonté de contrôle de ressources économiques, qui est à l’origine des conflits et finance l’affrontement: la contrebande de bois (Libéria) et le trafic de diamants (Sierra Leone), avec la complicité active de sociétés internationales.
Dans les deux cas, les protagonistes, soutenus par des parties étrangères, Etats voisins ou même éloignés, font déborder le conflit hors du territoire national, les camps de réfugiés servant de points d’appui pour de nouvelles revanches. Le climat d’insécurité qui y règne souvent, l’éloignement de toute perspective d’installation définitive dans un pays d’accueil plus riche, le désintérêt, voire le désengagement de la communauté internationale – contrairement, par exemple, au Kosovo ou au Timor oriental –, nourrissent à leur tour l’esprit de revanche et facilitent l’embrigadement pour une relance des conflits… et de nouveaux exodes.
Plus qu’à une «fatalité ethniciste», c’est donc à cette déstabilisation profonde des populations qu’il faut rapporter la xénophobie africaine. Les Etats, fragiles dès leur création, car leurs territoires nationaux ne correspondent que rarement aux réalités historiques et culturelles, le sont en plus par la corruption et leur incapacité à assurer un développement. Après les «conflits par pays interposés» de l’affrontement Est-Ouest, les nouveaux conflits, instrumentalisés par des Etats africains plus puissants que les autres, exploitent la dimension ethnique et lui donnent une charge de haine et de rejet, qui est loin d’être spontanée. C’est, en fin de compte, «la conquête du pouvoir», pour laquelle «s’affrontent souvent sans merci… les groupes, les tendances et les clans»2, qui actionne ce ressort identitaire.
Ainsi maquillés en «guerres tribales», ces conflits et leurs cortèges de violations et de haines peuvent alors perdurer sans que la conscience internationale ne s’en ressente ni profondément émue ni réellement responsable. Le génocide au Rwanda, qui puisait aux mêmes origines, en apporta la preuve la plus cruelle.
* Secrétaire général de Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).
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1. Les réfugiés dans le monde 2000, HCR-Editions Autrement, Paris, 2000.
2. GĂ©odynamique des migrations internationales, Gildas Simon, PUF, Paris, 1995.
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